Alors que le projet de fusion entre Quevilly-Rouen Métropole et le FC Rouen, piloté par la Métropole, semble prendre chaque jour un peu plus d’ampleur, Matthieu Gudefin, le président de la Fédération des culs rouges refuse encore et toujours de cautionner cette idée.
Faire en sorte que le FC Rouen retrouve son indépendance et que les supporters entrent au conseil d’administration du club, voilà les deux principaux objectifs que poursuit la Fédération des culs rouges (fondée il y a 3 ans et qui compte environ 200 membres) présidée par Matthieu Gudefin.
Malgré un lobbying incessant, la Fédération des culs rouges n’a toujours pas de représentant au conseil d’administration du FCR. Pour quelles raisons ?
« On a déjà présenté deux candidatures en mon nom (seules les personnes physiques peuvent se présenter), mais je n’ai pas été élu. Pourtant, le but de notre action n’est pas d’aller contre les intérêts du club, mais simplement de jouer le rôle de garde-fou. Pendant plusieurs années, les supporters ont été les témoins d’une lente agonie. Ils n’ont rien pu faire, alors que dès le début ils ont eu des doutes sur la manière dont le club était géré. Aussi, depuis sa création, la fédération des culs rouges tente de faire entendre sa voix et d’alerter les dirigeants du club sur différents sujets. Malheureusement, notre discours a souvent été mal perçu. »
« QRM peut continuer sa vie, mais sans le FCR »
Sont-ce ces expériences malheureuses qui vous ont poussé à vous présenter sur la liste de Jean-Pierre Clavier(co-fondateur du Conseil national des supporters de football) lors des prochaines élections à la FFF ?
« Pas seulement. Le but de cette candidature, c’est d’abord de faire parler de nous. De poser la question des supporters et de la place qui devrait être la leur au sein de la gouvernance des clubs et de la fédération. Ça se fait partout (Espagne, Angleterre, Italie notamment), mais pas en France. Nous, on se bat pour que ça existe, car on pense que ce serait vertueux pour le football hexagonal. À Rouen, si nous avions eu 5 à 10 % du capital de la SASP, on aurait pu se positionner comme gardien du temple et empêcher certaines dérives. Moi, à l’époque, j’étais petit actionnaire et je n’avais pas voix au chapitre. »
L’idée est-elle aussi de peser au niveau national pour que le FCR continue d’exister, à côté de QRM, fut-ce en DH ?
« Les objectifs de la fédération n’ont pas changé. On veut montrer que ce club est important, qu’il a une histoire et on se battra jusqu’au bout pour préserver son identité. On est un peu seul, on lutte contre des puissances politiques et financières, mais nous sommes convaincus du bien-fondé de notre démarche. Nous sommes du côté des gens qui aiment le foot à Rouen et qui ont un attachement particulier avec le FCR. QRM a réussi sportivement, mais les gens restent liés au FCR. »
Est-ce selon vous la raison pour laquelle le FCR draine autant de spectateurs payants en DH que QRM en National ?
« On disait que l’USQ attirait du monde, mais c’était en Coupe de France. Quand ils battent Marseille, en 2011, le match suivant, en championnat, il y a 600 personnes. Il n’y a pas vraiment de supporters, juste des gens qui veulent voir des exploits. En National, ils ont du mal à faire du monde, il y en a même moins qu’en CFA. Alors en L2, ils feront 3 000 à 4 000 personnes à tout casser. Il n’y a qu’en Ligue 1 que le stade sera plein, quelle que soit l’étiquette du club d’ailleurs, car c’est un spectacle. Mais tous les grands clubs du monde sont centenaires et les supporters se suivent de génération en génération. Le FCR, c’est ça. »
Quelle idée vous faites-vous des rapports que le FCR et QRM devraient entretenir ?
« Pour nous, QRM peut continuer sa vie, mais sans le FCR. Le FCR, c’est un club historique. C’est une entité que les gens aiment, on a encore pu le voir la saison dernière. Il y avait environ 800 spectateurs en moyenne pour voir de la DH et un kop digne d’un club de L2. Pour toutes ces raisons, Rouen doit vivre et de manière indépendante. Il faut que le club sorte du projet QRM et qu’il retrouve des ambitions. Mais attention, être ambitieux ne doit pas vouloir dire être impatient. Il faut reconstruire tranquillement. Strasbourg l’a fait, Sedan aussi, Grenoble est en train de le faire. Valenciennes, Angers, Brest, Reims l’ont également fait par le passé. Il n’y a pas de raison pour qu’on n’y arrive pas. »
« Les supporters n’ont pas à payer pour les erreurs de gestion des dirigeants »
Certes, mais les politiques et les dirigeants des deux clubs ne semblent pas partager votre sentiment…
« Nous, on passe pour des gens qui ne vivent pas avec leur temps, celui de la mutualisation des moyens. Mais, pour moi, cette vision économique conduira le foot rouennais à sa perte. On a vu ce qui s’est passé avec Arles-Avignon puis Evian-Thonon-Gaillard. Ici les choses sont un peu différentes, mais avec l’ADN professionnel du FCR d’un côté. Et de l’autre côté, l’US Quevilly, un des meilleurs clubs amateurs du football français, ça ne peut pas, non plus, marcher. QRM, c’est le mariage de la carpe et du lapin. Après, on n’est pas bête non plus, on est parfaitement conscient qu’il faut mettre en place des partenariats. Mais une fusion ou un rapprochement tel qu’il est fait, ça n’a pas de sens. Seulement, les politiques font l’amalgame entre les dirigeants qui se sont succédé à la tête du club et l’entité FCR. Nous, on estime que les supporters n’ont pas à payer pour les erreurs de gestion des dirigeants. »
Ces mêmes politiques tablent sans doute aussi sur le fait que le public n’a que faire de toutes ces histoires et qu’il viendra au stade dès qu’il y aura de belles affiches. Qu’en pensez-vous ?
« Les gens viendront si QRM est en L1. Mais avoir de « vrais » supporters, c’est un travail qui se fait sur plusieurs générations, ça ne se décrète pas. Et puis, qu’on me donne le nom d’un club naît d’une fusion qui a suscité un engouement populaire. Il n’y en a pas. On a même des exemples, chez nous, dans d’autres sports, de fiascos retentissants. »
À vous entendre, on a l’impression que dès que « le politique » s’immisce dans le sportif, cela aboutit à une catastrophe…
« Ils n’ont pas compris qu’un club, c’est une grande famille. Les gens tiennent à leur nom. Si on parle du basket, par exemple, certains supporters étaient attachés au SPOR. Le Rouen Métropole Basket, ça ne parle à personne, c’est complètement factice. Du coup, ils ont perdu ce qui faisait l’essence même du club, cet attachement, ancien, profondément ancré dans notre territoire. Le FCR fait partie de l’histoire de la ville. Or il y a des élus, chargés des sports, qui ne connaissent pas l’histoire du sport à Rouen. Je trouve ça grave. »
Propos recueillis par Grégory CARU-THOMAS
Article original : http://www.paris-normandie.fr/sport/football–la-federation-des-culs-rouges-ira-jusqu-au-bout-CD6775444#.V9Pirq1nThA